Les leucémies chroniques
A retenir :
La leucémie myéloïde chronique (LMC) est caractérisée par une production excessive et persistante dans la moelle osseuse de polynucléaires neutrophiles dont certains sont insuffisamment matures quand ils passent dans le sang. L’acquisition d’un chromosome anormal appelé « Philadelphie » issu d’un remaniement entre deux chromosomes (9 et 22) entraine la formation d’un gène spécifique (bcr-abl) responsable de la production excessive des globules blancs. Cette anomalie génétique acquise par les cellules souches anormales survient après la naissance et, en conséquence, n’est pas héréditaire. La LMC peut être soit asymptomatique soit caractérisée par une altération de l’état général (fatigue, perte de poids ..).Le diagnostic repose sur :
- l’hémogramme qui montre une augmentation dans le sang des polynucléaires dont certains anormaux.
- l'examen des chromosomes des cellules malades (effectué sur le sang, voire éventuellement sur un prélèvement de moelle osseuse), qui montre la présence du chromosome philadelphie.
- Un examen de biologie moléculaire permet de confirmer le diagnostic (présence du gène bcr-abl) .
La leucémie myéloïde chronique évolue en trois phases une phase chronique lente, une phase d’accélération marquée par une augmentation de la proportion de polynucléaires anormaux dans le sang et dans la moelle et une phase de transformation en leucémie aigue ou crise blastique (LMC-CB).
La prise en charge thérapeutique de la leucémie myéloïde chronique repose sur l’administration de médicaments spécifiques, appelés inhibiteurs de la tyrosine kinase. Grâce à la prise de ces médicaments, le nombre de globules blancs redevient progressivement normal,, la quantité de BCR-ABL dans le sang baisse et le chromosome Philadelphie finit par ne plus être détecté dans la moelle osseuse. Ce traitement nécessite une surveillance spécialisée tous les 3 à 6 mois par un hématologue. Grâce aux médicaments actuels, les personnes atteintes de leucémie myéloïde chroniques sous traitement peuvent aujourd’hui mener une vie quasiment normale.
La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est une maladie du sang qui se caractérise par la multiplication et l’accumulation de cellules lymphoïdes anormales dans le sang et certains organes lymphoïdes (les ganglions, la rate et la moelle osseuse) .La LLC est une maladie asymptomatique dans la plupart des cas. Parfois un syndrome tumoral marqué par des adénopathies (gonflement des ganglions) et une splénomégalie (rate augmentée de volume) peut être retrouvé. Son diagnostic repose essentiellement sur deux examens complémentaires :
- L’hémogramme qui montre une hyperlymphocytose,
- L’immunophénotypage qui permet d’affirmer la nature B pathologique des lymphocytes. Seule une partie des patients nécessite ou nécessitera un traitement dans les années qui suivent le diagnostic. De fait, cette maladie ne nécessite souvent qu’une simple surveillance. Si une prise en charge est décidée, elle repose sur une chimiothérapie et/ou des anticorps monoclonaux. Dans de très rares cas (résistance à la chimiothérapie, état général compatible), une allogreffe peut être envisagée.
Des complications peuvent survenir dans le cours de la maladie : des infections fréquentes liées à l’immunosuppression, une anémie parfois hémolytique ou après un temps plus ou moins long d’évolution une évolutivité vers un lymphome de haut grade (Syndrome de Richter).
Bien que d’un pronostic plutôt favorable le suivi d’une LLC est continu, tout au long de la vie.
1) La leucémie myéloïde chronique – LMC (1/5 /8)
La leucémie myéloïde chronique fait partie des maladies du sang regroupées sous le nom de
« syndromes myéloprolifératifs ». Elle se caractérise par une production excessive et persistante au sein de la moelle osseuse de granulocytes (ou polynucléaires) dont le développement est bloqué à un stade avancé de leur maturation. L’hémogramme montre d’ailleurs la présence dans le sang de ces granulocytes insuffisamment matures qui ne sont habituellement présents que dans la moelle osseuse.
La maladie est liée à une anomalie génétique caractérisée par la présence d’un chromosome anormal appelé chromosome Philadelphie (du nom de la ville des Etats-Unis où travaillaient les deux chercheurs qui l’ont découvert dans les années 60). Cette anomalie résulte d’une translocation entre les chromosomes 9 et 22, translocation t(9 ;22), conduisant à la fusion du gène « ABL » (Abelson), localisé sur le chromosome 9 et du gène BCR, localisé sur le chromosome 22
Cela produit le gène dit BCR-ABL (prononcer BCR Abelson) qui est présent uniquement dans les cellules de la maladie. Ce gène active anormalement une enzyme, une tyrosine kinase, qui va conduire à cette production accrue des globules blancs (cf shéma ci-dessous)
Schéma de formation d’un gène de fusion par translocation chromosomique dans la leucémie
Le chromosome Philadelphie est une anomalie génétique acquise par les cellules anormales, elle n’est donc pas héréditaire. Les causes de son apparition sont jusqu’à présent inconnues. Il a toutefois été constaté une fréquence plus importante de la LMC parmi les survivants des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Les radiations ionisantes ont donc été suspectées de pouvoir provoquer la maladie, mais cela n’a jamais été formellement démontré.
Si la maladie n’est pas traitée, elle évolue typiquement en trois phases : une phase chronique (LMC-PC), une phase d'accélération (LMC-PA) et une phase de leucémie aiguë ou crise blastique (LMC-CB).
Les symptômes :
Les malades peuvent être soit asymptomatiques (le diagnostic étant fait suite à une numération formule sanguine de routine) soit présenter une fatigue, une anémie, une perte de poids, des sueurs nocturnes ou une splénomégalie (augmentation de la taille de la rate).
Le diagnostic :
La majorité des patients est diagnostiquée durant la phase chronique.
Le diagnostic est établi à partir de plusieurs examens :
- Une numération formule sanguine.
- Un prélèvement de moelle osseuse (myélogramme) qui permet ensuite de réaliser un caryotype, c’est-à-dire une étude des chromosomes, et de trouver le chromosome Philadelphie. Le prélèvement permet également de quantifier les globules blancs anormaux présents dans la moelle osseuse.
- Des examens sanguins de biologie moléculaire permettent de détecter la fusion BCR-ABL et de la quantifier pour évaluer la qualité de la réponse au traitement.
Le diagnostic est établi lorsque le chromosome Philadelphie ou la fusion du gène BCR-ABL sont retrouvés. Les différents examens réalisés permettent également de déterminer le stade de la maladie.
L’évolution de la maladie
La leucémie myéloïde chronique évolue en trois phases :
• La phase chronique.
C’est à ce stade que la maladie est diagnostiquée chez la plupart des malades. Pendant cette phase, la leucémie évolue lentement et il n’y a pas ou peu de symptômes. Il y a encore peu de globules blancs anormaux dans la moelle osseuse et dans le sang. Cette phase dure en moyenne quatre ans en l’absence de traitement.
• La phase d’accélération.
Elle correspond à une augmentation de la proportion de globules blancs anormaux dans le sang et dans la moelle, ainsi qu’à une élévation de la charge BCR-ABL ou l’apparition de nouvelles anomalies chromosomiques.
Des symptômes, non spécifiques, sont plus fréquents, tels que fatigue, perte d’appétit, fièvre sans raison apparente. Si un traitement n’est pas mis en œuvre, la maladie évolue après plusieurs mois vers la phase aiguë.
• La phase de transformation.
De chronique, la leucémie devient alors aiguë. La moelle osseuse est envahie par les globules blancs anormaux et ne peut plus fonctionner correctement. La maladie s’aggrave alors nettement. La leucémie aigüe est le plus souvent myéloblastique, mais parfois, la maladie peut se transformer en leucémie aigue lymphoblastique.
La conduite du traitement
La prise en charge thérapeutique de la leucémie myéloïde chronique repose sur l’administration de médicaments appelés inhibiteurs de la tyrosine kinase. Grâce à la prise d’un de ces médicaments, le nombre de globules blancs diminue et redevient progressivement normal. Parallèlement, la quantité de gène BCR-ABL dans le sang baisse et le chromosome Philadelphie finit par ne plus être détecté dans la moelle osseuse.
Ce traitement en phase chronique de la maladie est généralement très efficace. Si la réponse au traitement est insuffisante ou si le traitement est mal toléré, il est possible de remplacer le médicament prescrit par un autre inhibiteur de tyrosine kinase ; actuellement, plusieurs médicaments de ce type sont en effet disponibles.
Ce traitement doit en général être poursuivi durant toute la vie. Néanmoins, des protocoles d’arrêt de traitement sont actuellement en cours pour envisager un arrêt définitif du traitement chez les patients dont la maladie est indétectable plusieurs années après la mise en route du médicament.
Le suivi
Les personnes sous traitement qui présentent une normalisation de leurs globules blancs doivent consulter leur hématologue tous les trois à quatre mois. Les consultations visent à vérifier l’état de santé général. Elles donnent également lieu à différents examens sanguins, en particulier une mesure de la quantité de BCR-ABL dans le sang. Parfois, un contrôle des concentrations du médicament dans le sang est nécessaire pour s’assurer du bon dosage.
Grâce aux médicaments actuels, les personnes atteintes de leucémie myéloïde chronique sous traitement peuvent aujourd’hui mener une vie quasiment normale.
2) La leucémie lymphoïde chronique – LLC (1/3/4/9)
. La leucémie lymphoïde chronique (LLC) se caractérise par la multiplication dans la moelle et l’accumulation dans le sang et certains organes lymphoïdes (les ganglions, la rate) de cellules lymphoïdes anormales. Cette accumulation explique l’augmentation de volume d’un ou de plusieurs de ces organes lymphoïdes au cours de la maladie.
À l’heure actuelle, on n’a pas identifié de facteur favorisant la survenue de cette maladie.
Elle n’est ni contagieuse ni héréditaire, même s’il existe quelques formes familiales.
Les symptômes :
La LLC est une maladie asymptomatique dans la plupart des cas. Parfois un syndrome tumoral marqué par des adénopathies (gonflement des ganglions) et une splénomégalie (rate augmentée de volume) peuvent être retrouvés. Moins fréquemment, une complication infectieuse (Zona / pneumopathie récidivante), des signes d’anémie (pâleur, fatigue..) ou de thrombopénie (saignements) sont les premiers signes de la maladie.
Le diagnostic :
Il repose essentiellement sur deux examens complémentaires : l’hémogramme et l’immunophénotypage réalisés à partir d’une simple prise de sang.
- L’hémogramme, souvent réalisé pour une autre raison (bilan de santé / autre maladie), montre une hyperlymphocytose (nombre de lymphocytes supérieur aux valeurs normales) persistante ou augmentant au-delà de 6-8 semaines sur plusieurs examens successifs. C’est la circonstance de découverte la plus fréquente (>50% des patients). Cette hyperlymphocytose est en général suffisamment importante pour évoquer fortement le diagnostic dans la majorité des cas. Sur le frottis, les lymphocytes sont souvent de morphologie normale et d’aspect uniforme.
- L’immunophénotypage complète le diagnostic. Il se fait sur les cellules du sang. Il recherche l’expression de divers antigènes à la surface des lymphocytes sanguins et permet d’affirmer leur nature B et leur caractère pathologique, caractéristique de la maladie.
La plupart du temps, aucun autre examen complémentaire n’est nécessaire pour établir le diagnostic de la LLC. Il est cependant possible qu’un scanner soit demandé par le médecin, notamment lorsqu’il a détecté des ganglions au cours de l’examen clinique. Parfois, une ponction de moelle osseuse (myélogramme) peut être indiquée notamment pour réaliser l’étude des chromosomes et des gènes des lymphocytes pathologiques.
La conduite du traitement :
Seule une partie des patients nécessite ou nécessitera un traitement dans les années qui suivent le diagnostic. De fait, cette maladie ne nécessite longtemps qu’une simple surveillance par le médecin traitant. Si une prise en charge est décidée, elle a pour but de :
- de faire disparaître les signes cliniques de la maladie,
- de contenir son évolution de la maladie,
- de prendre en charge ses éventuelles complications ,
- de préserver la qualité de vie.
Si un traitement s’avère nécessaire, il repose sur une chimiothérapie et/ou des anticorps monoclonaux. Selon les cas, ces médicaments sont administrés par voie orale, sous-cutanée ou intraveineuse. Dans ce dernier cas, il peut être nécessaire de poser une voie veineuse centrale (chambre implantable).
Dans de rares cas (résistance à la chimiothérapie, état général compatible), une allogreffe peut être envisagée. Elle est réalisée par transfusion de cellules souches hématopoïétiques provenant d’un donneur compatible.
La LLC peut s’accompagner de complications qui sont recherchées et traitées :
- infections, notamment respiratoires, pouvant révéler une baisse des défenses de l’organisme ;
- anémie (baisse des globules rouges) ; l’anémie est parfois hémolytique, ce qui signifie qu’il se produit une destruction spontanée des globules rouges dans votre sang. Cela nécessite la mise en route rapide d’un traitement adapté.
- thrombopénie (baisse des plaquettes)
- ou dans de rares cas, évolution vers un syndrome de Richter correspondant à la transformation de la LLC en un lymphome de haut grade. Suspecté devant le développement rapide d'une masse tumorale, de phénomènes compressifs, de signes généraux d'évolutivité (fièvre, amaigrissement, sueurs nocturnes), le diagnostic en est histologique (par une biopsie de la masse tumorale). Cette évolution est de mauvais pronostic.
Le suivi médical
- Le suivi d’une LLC est continu, tout au long de la vie.
- Il peut être assuré par le médecin traitant en collaboration avec un hématologue et avec l’équipe spécialisée en charge des traitements.
- Il repose sur la réalisation régulière d’un examen clinique et d’analyses de sang :
- tous les 3 à 6 mois si un traitement a été décidé,
- tous les 6 mois à 1 an en cas de simple surveillance.
Le médecin traitant indique les signes qui doivent amener à consulter en dehors des rendez-vous programmés, notamment :
- perte de poids non intentionnelle supérieure à 10 % ;
- fièvre inexpliquée ;
- sueurs nocturnes ;
- fatigue anormale, essoufflement ;
- augmentation du volume des ganglions lymphatiques (dans le cou, sous l’aisselle, au niveau de l’aine, etc.) ;
- hématomes (bleus), saignements ;
- infection.
Le suivi de la leucémie lymphoïde chronique s’inscrit dans un suivi médical global.
La vaccination contre la grippe est recommandée chaque année, ainsi que la vaccination anti-pneumococcique tous les 5 ans en cas d’antécédents d’infections pulmonaires.
3) La leucémie à tricholeucocytes
Xavier Troussard, Margaux Wiber - CHU Caen
La leucémie à tricholeucocytes (LT) est une forme rare d’hémopathie maligne caractérisée par la prolifération de cellules anormales dérivées des globules blancs, et plus particulièrement des lymphocytes, qui vont se localiser dans le sang, la rate et la moelle osseuse. Elle doit son nom à l’aspect particulier de ces cellules qui présentent des prolongements ressemblant à des cheveux. La LT appelée en anglais hairy cell leukemia (HCL) représente 2% de l’ensemble des leucémies, ce qui correspond, environ, à un nouveau cas par an pour 500 000 habitants en France. Elle affecte préférentiellement l’homme de plus de 50 ans.
La clinique est principalement marquée par la gêne abdominale occasionnée par l’augmentation du volume de la rate qui est présente dans trois quarts des cas. D’autres symptômes peuvent s’ajouter en fonction des perturbations de l’hémogramme : manifestations hémorragiques en cas de diminution importante des plaquettes, fatigue, pâleur en cas d’anémie ou encore infections en cas de diminution du taux des polynucléaires neutrophiles. Il est fréquent que la maladie soit asymptomatique au début et découverte de manière fortuite au décours d’examens demandés pour un bilan de santé.
La numération des éléments du sang (hémogramme) va révéler une diminution des plaquettes et/ou de l’hémoglobine et/ou des globules blancs. Un étalement de sang (frottis sanguin) est ensuite réalisé et examiné au microscope par un cytologiste permettant la mise en évidence de cellules lymphoïdes anormales présentant des « cheveux », aspect caractéristique de cette HM