Depuis la EHA 2019
Dr Milena Kohn, hématologue au Centre Hospitalier de Versailles, Le Chesnay
Depuis l’arrivée des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), l’espérance de vie des patients atteints de leucémie myéloïde chronique rejoint celle de la population générale. Les enjeux actuels sont la prise en charge des rares patients résistants aux molécules disponibles, la gestion des effets indésirables associés à ces traitements et les arrêts de traitement chez les patients bons répondeurs.
Le traitement de première ligne comprend l’utilisation d’un des 3 ITK suivants : imatinib (Glivec®), dasatinib (Sprycel®) et nilotinib (Tasigna®) (recommandations de la European Society for Medical Oncology 2017). Le choix se fait selon le profil du patient et des effets indésirables associés à ces différentes molécules. En cas d’échec de ces traitements, d’autres ITK comme le bosutinib (Bosulif®) et le ponatinib (Iclusig®) sont disponibles.
L’essai STIM (2010) et les autres essais d’arrêt de traitement qui ont suivi ont montré que l’arrêt des ITK était possible quand certaines conditions étaient remplies (durée de traitement par ITK supérieure à 5 ans, réponse moléculaire profonde depuis au moins 2 ans, nécessité d’une surveillance rapprochée) avec cependant un risque non négligeable de devoir reprendre le traitement en cas de rechute moléculaire.
L’essai SPIRIT (2010) a montré que l’interféron alpha pegylé, qui avait été abandonné dans le traitement de la LMC lors de l’arrivée des ITK, permettait d’obtenir en association aux ITK des taux de réponse moléculaire plus élevés (en cours d’évaluation dans les essais d’arrêts de traitement).
EHA 2019 : l’asciminib, un inhibiteur de tyrosine kinase de mécanisme d’action différent des ITK classiques, a été évalué dans des essais de phase 1 en association aux ITK classiques (imatinib, nilotinib, dasatinib) chez des patients en échec ou intolérance des ITK classiques et montre une activité intéressante, à confirmer lors des essais de phase 2/3.
Polyglobulie de Vaquez, thrombocytémie essentielle et myélofibrose
Polyglobulie de Vaquez : le traitement comporte la prise d’aspirine faible dose associée au contrôle des facteurs de risque cardio-vasculaires (risque de thromboses artérielles et veineuses), chez les sujets jeunes et sans antécédents vasculaires la réalisation de saignées régulières et chez les sujets âgés et/ou avec antécédents vasculaires un traitement dit « cytoréduteur » par hydroxycarbamide (Hydréa®) ou Interferon alpha pegylé avec comme objectif de faire diminuer l’hématocrite en dessous de 45%.
Récemment, les études PROUD-PV et CONTI-PV (2016) ont montré la supériorité du Ropeginterferon alfa-2b (Besremi®) sur l’hyroxycarbamide en termes de réponse hématologique complète et moléculaire chez les patients en première ligne de traitement (en attente d’autorisation de mise sur le marché). En cas d’échec de l’hydroxycarbamide, l’étude RESPONSE (2016) a montré l’intérêt du ruxolitinib, un inhibiteur de JAK 1 et JAK2 (Jakavi®) initialement utilisé dans le traitement de la myélofibrose.
Thrombocytémie essentielle : le traitement comporte le contrôle des facteurs de risque cardio-vasculaires (notamment l’arrêt du tabac) avec dans certains cas la prise d’aspirine et un traitement cytoréducteur par hydroxycarbamide (Hydrea®), anagrélide (Xagrid®) ou Interféron alpha.
Récemment, l’essai MAJIC-ET a montré l’absence de supériorité du ruxolitinib chez des patients résistants ou intolérants à l’Hydréa® en comparaison des traitements déjà existants (2017).
Myélofibrose primitive et secondaire (à une polyglobulie de Vaquez ou une thrombocytémie essentielle) : le traitement comporte le ruxolitinib (Jakavi®), un inhibiteur de Jak1/2 indiqué dans le traitement de la splénomégalie (augmentation de la taille de la rate) et/ou des symptômes associés à la myélofibrose (étude CONFORT en 2012) et l’hydroxycarbamide (Hydréa®) en cas d’augmentation des leucocytes et/ou des plaquettes. L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques reste le seul traitement curatif.
EHA 2019 : le sotatercept et le luspatercept (des récepteurs solubles de l’activine IIA et IIB) et le pomalidomide (un immunomodulateur utilisé pour le myélome) sont en cours d’évaluation dans le traitement de la myélofibrose avec anémie, seuls ou en association avec le ruxolitinib. D’autres traitements comme le PRM-151 (pentraxine 2 recombinante) ou le CPI-0610 (inhibiteur de bromodomaine) montrent des résultats préliminaires intéressants chez les patients atteints de myélofibrose résistants ou intolérants au ruxolitinib.